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Haut les masques!

Le projet Haut les masques !  est un « bijou sculpture » qui questionne notre époque et notre droit à respirer un air sain. Ce projet est né d’une révolte de longue date : nous respirons un air pollué et cela nous tue à petit feu. La pollution atmosphérique abîme les poumons, les artères, les neurones. Les personnes dites « fragiles », davantage impactées par cette pollution, subissent une double peine. Révolte donc. Et culpabilité. Nous avons créé le monstre qui nous consume.

Pour ce travail, conçu fin 2019, j’ai imaginé un futur où l’air serait devenu irrespirable au point que nous devions tous porter un masque de protection.

 

Tous masqués donc. Mais avec des nuances. Nous ne sommes pas tous égaux face à la pollution de l’air, selon qu’on habite aux abords d’un périphérique ou dans un quartier préservé, dans un pays qui a les moyens d’exporter ses déchets les plus polluants ou dans une région qui extrait des matières toxiques. De la même manière, on ne lutte pas à armes égales contre la pollution qui nous entoure (installation de filtres à air performants dans certaines habitations, mise à disposition ou non de masques protecteur pour les  travailleurs exposés, etc.) Une partie de la population – souvent les plus vulnérables –  paie le prix fort des effets délétères de la pollution. Certains en meurent donc, par manque de protection, tandis que d’autres peuvent se payer le luxe d’un masque « précieux ». Faire d’une réalité glaçante un objet de luxe et continuer comme avant,  telle une métaphore de nos inégalités galopantes? La question se posait déjà à l’entame de ma réflexion. Le projet « Haut les masques ! » attire l’attention sur l’éternelle et parfois choquante ambiguïté de la nature humaine et sur l’urgence collective de préserver l’air qu’on respire, donc la santé du monde.

Le masque de protection est un objet fort, à la forme sculpturale et à l’utilité prouvée. Son apparence peut évoquer un masque porté pendant la guerre contre les gaz asphyxiants. Les deux filtres ont été  transformés en broches pouvant être portées en alternance. Les bronchioles des poumons et les branches de l’arbre évoquent le souffle vital. Le masque, sombre et massif, devient le support aux broches. Une fois réunis, masque et broches composent une sculpture dévoilant une réalité violente qui concerne tous les vivants.

En mars 2020, coup de théâtre. Explosion de la Covid-19 et obligation quasi-généralisée du port du masque. La fiction devient réalité. Et la réalité, un cauchemar. Cette crise sanitaire a volé la vedette à une autre, celle qui s’étend depuis des dizaines d’années sur le monde, et qui ne semble pas réellement préoccuper nos gouvernants. Respirer un air sain ne semble pas être un droit. Tandis que porter le masque devient un devoir. 

 

[1] Nathalie Jas, Soraya Boudia, « Gouverner un monde toxique », éditions Quaes, 2019, pp 3-12.

[2] Denise Felber Dietrich, “Pollution atmosphérique et mortalité en Suisse et dans le monde », FORUM MÉDICAL SUISSE, 2015

Fonderie bronze Eric Desèvre

Photos Jean-Dominique Durton

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